Incontournable

article | Temps de Lecture5 min

Les chimères de Notre-Dame de Paris : un bestiaire fantastique au cœur de la cathédrale

Gardiennes silencieuses de la cathédrale Notre-Dame, les chimères donnent vie à un bestiaire médiéval fantastique, captivant les visiteurs depuis des siècles.

Une origine mythologique

Les chimères de la cathédrale Notre-Dame de Paris trouvent leurs racines dans la mythologie grecque. 

À l'origine, la chimère est une créature malfaisante dont le corps combine les traits d'un lion, d'une chèvre et d'un serpent. Fille de Typhon, mère du Sphinx et du Lion de Némée, elle fut vaincue par le héros Bellérophon, monté sur le cheval ailé Pégase. 

Avec le temps, le terme « chimère » s'est étendu à toutes les créatures hybrides et fantastiques présentant les attributs de plusieurs animaux. 

À Notre-Dame, les chimères ne sont autres que les 54 statues qui ornent les angles de la balustrade entourant les tours de la cathédrale.

David Bordes

Des créations du XIXᵉ siècle

Ces œuvres ont été créées lors du vaste chantier de restauration lancé en 1844 par Eugène Viollet-le-Duc et Jean-Baptiste Lassus.

 Les deux architectes ne se contentèrent pas de consolider l'édifice ; ils s'appliquèrent aussi à lui rendre « toute sa splendeur », accordant une place primordiale à la sculpture.

Les architectes réalisaient eux-mêmes les dessins préparatoires, ceux-ci servant ensuite de modèle au sculpteur ornemaniste Victor Pyanet (1796-1860). 

Chaque statue est sculptée dans un unique bloc de calcaire, intégrant l'élément de balustrade. Dans les archives du chantier, Pyanet s’engage à réaliser l’ensemble des « gros animaux qui sont aux angles », et l'installation des dernières chimères s'est achevée en 1856.

Viollet-le-Duc, Eugène-Emmanuel (1814-1879). - Gallica

Un Bestiaire Médiéval Fantastique

Les édifices médiévaux sont souvent ornés d'un riche décor d'animaux fantastiques.

Certaines de ces statues rappellent les figures que l'on trouve dans les marges des manuscrits enluminés. Dans les bestiaires du Moyen Âge, la distinction entre êtres imaginaires et réels était floue. 

Ainsi, à Notre-Dame, boucs, sangliers, bœufs, félins, oiseaux et éléphants se mêlent aux dragons, êtres hybrides à corps d’homme et tête de lion, et autres démons affublés de cornes. Chaque chimère est unique. 

Selon Viollet-le-Duc, ces créatures « en se découpant sur le ciel, donnent la vie à ces masses de pierre ». 

Les chimères ne sont pas les seuls monstres à habiter l'édifice ; elles côtoient un peuple de gargouilles, également recréées au XIXᵉ siècle, dont la fonction est de recracher les eaux de pluie loin des murs de la cathédrale.

Benjamin Gavaudo - CMN

Fascination et mystère

Aujourd'hui encore, la présence de ces créatures intrigue et fascine. 

Montent-elles la garde, protégeant le lieu saint des intentions malfaisantes ? Ou sont-elles des démons, condamnés à rester à l'extérieur du sanctuaire, scrutant l'horizon pour l'éternité ? 

La posture songeuse de la célèbre stryge a immédiatement inspiré les artistes romantiques, contribuant à sa renommée mondiale. 
C'est notamment Charles Meryon qui, dans une gravure réalisée vers 1853, lui attribua ce nom de démon féminin mythologique. 


Une photographie de Charles Nègre, prise à la même époque, a également largement participé à sa notoriété.

David Bordes

Des œuvres à préserver

Ces sculptures de calcaire subissent les affres du temps et des éléments. Certaines, abîmées par l'érosion, sont aujourd'hui méconnaissables, et plusieurs ont déjà été remplacées au cours du XXᵉ siècle. 

Lors de l'incendie d'avril 2019, cinq d'entre elles - le félin tirant la langue, la créature reptilienne, la femme à tête de chien, l’alchimiste et le pélican - situées à l'arrière de la tour sud, à l’angle nord-est, ont été exposées aux flammes. Trop endommagées pour rester en place, ces statues ont été démontées et remplacées par des reproductions en 2023 et 2024.

Pour ce faire, chaque original a été scanné en 3D par nuage de points, permettant la fabrication d'un tirage en résine. Ce modèle a ensuite servi de référence aux sculpteurs de pierre, chargés d'en réaliser une copie dans un atelier installé au pied de la façade.

Les chimères de Notre-Dame de Paris incarnent la rencontre entre le passé médiéval et le renouveau artistique du XIXᵉ siècle

Elles continuent de captiver l'imagination des visiteurs, tout en rappelant l'importance de préserver ce patrimoine exceptionnel pour les générations futures.

David Bordes

à découvrir aussi